Situated education
De-colonized creativity

L’ÉCOLE DES MUTANTS

Hamedine Kane et Stéphane Verlet Botero

Acteur

Hamedine Kane, artiste et réalisateur sénégalais-mauritanien, vit et travaille entre Bruxelles et Dakar. Dans ses œuvres, les thèmes des frontières et de l’exil se mêlent au passé et au futur, à la mémoire et à l’héritage, transgressant et irriguant les limites de l'espace et du temps. Il a participé à la Biennale de Taipei, de Casablanca, et à diverses expositions dans le cadre de la saison Africa2020. Son film La Maison Bleue, présenté en première mondiale à l'IDFA à Amsterdam en novembre 2020, a reçu la mention spéciale du jury. Stéphane Verlet-Bottéro est artiste, ingénieur de l’environnement et curateur indépendant. Il vit et travaille entre Paris et Londres. Ses travaux explorent les processus politiques et écologiques de singularisation et de réparation. Il enseigne à l'École Centrale Paris. Il est curateur associé du fonds NA Project, chercheur à Unbewitch Finance Lab. Il a collaboré avec ZKM (Karlsruhe), Taipei Fine Arts Museum (Taipei), Inland (Madrid), Institut Kunst (Bâle), Technê Institute (Buffalo), Science Museum (Londres) et DOCUMENTA (13) (Kassel).

Action

L’Ecole des Mutants est une plateforme collaborative d’art et de recherche impliquant des artistes, artisans, activistes, théoriciens, curateurs, initiée à Dakar en 2018. Dans la foulée de l’indépendance sénégalaise, une vague d’expériences alternatives en matière d’éducation a vu le jour, mêlant utopie, panafricanisme et architecture radicale. Pour la plupart oubliées, ces écoles se sont succédées au gré des gouvernements, dessinant une histoire complexe où s’imbriquent savoir et pouvoir à la recherche de futurs décolonisés. Depuis l’Université du Futur Africain à Diamniadio le fil de l’enquête remonte aux ruines de l’école coloniale William Ponty en passant par l’ancienne Université des Mutants de l’île de Gorée. L’Action transculturelle proposée avec la Charte des Mutants interroge avec ironie et poésie l’héritage de ces multiples futurismes panafricains. Elle se base sur des enquêtes de terrain et des recherches d’archives qui cristallisèrent grandes promesses politiques, solidarités tiers-mondistes et désenchantements postcoloniaux.

Le Mutant d’Afrique no. 1. Avril 1982. Courtesy The School of Mutant

Campus inachevé de l’Université du Futur Africain, Sébikotane, Sénégal. Architecte : Pierre Goudiaby Atepa. 2019. © The School of Mutants

Campus inachevé de l’Université du Futur Africain, Sébikotane, Sénégal. Architecte : Pierre Goudiaby Atepa. 2019. © The School of Mutants

Campus inachevé de l’Université du Futur Africain, Sébikotane, Sénégal. Architecte : Pierre Goudiaby Atepa. 2019. © The School of Mutants

Cotton brodé, teinture indigo. Dimensions : 110x80cm. 2021. © The School of Mutants

Film still. 2020. © The School of Mutants

The School of Mutants. Installation view at Oslo Architecture Triennale 2019. © Oslo Architecture Triennale

Assemblée des Futurs Africains (1 Decembre 2019), Sébikotane, Sénégal. © Elise Fitte-Duval

Assemblée des Futurs Africains (1 Decembre 2019), Sébikotane, Sénégal. © Elise Fitte-Duval

The School of Mutants. Installation view at Taipei Biennial 2020. © The School of Mutants

The School of Mutants. Installation view at Taipei Biennial 2020. © The School of Mutants

The School of Mutants. Installation view at Taipei Biennial 2020. © The School of Mutants

© The School of Mutants

L’Ecole des Mutants est une plateforme collaborative d’art et de recherche initiée à Dakar par les artistes Hamedine Kane et Stéphane Verlet-Bottéro, autour de l’histoire oubliée d’expériences radicales en matière d’éducation au Sénégal. Les ruines futuristes de l'Université du Futur Africain, utopie académique panafricaine cofinancée par de nombreux États africains et Taiwan dans les années 1990, se dressent à l’abandon à Sébikotane, une banlieue rurale de Dakar. Non loin se trouvent les vestiges de l'école coloniale William Ponty, où ont été formés les premiers indépendantistes d'Afrique de l'Ouest et Centrale. L’Ecole Ponty a été déplacé de l'île de Gorée à Sébikotane par le régime colonial à la fin des années 1930, afin d'éloigner les étudiants du centre du pouvoir et de juguler leur ambitions révolutionnaires et panafricaines. À la fin des années 1970, Gorée a également accueilli l'Université des Mutants, dont le projet emprunte le nom, une autre école utopique créée par le président L.S. Senghor qui a accueilli pendant un bref moment des chercheurs de tout le continent, d’Amérique latine et d’Asie, à une époque où les solidarités du Sud prenaient de l'ampleur, de la solidarité afro-asiatique au mouvement des non-alignés et à la Tricontinentale. À la même époque, le projet d'éducation en danse africaine contemporaine Mudra Afrique a débuté au Musée Dynamique de Dakar, donnant naissance, des décennies plus tard, à l'École des Sables de Germaine Acogny, célèbre dans le monde entier. Dans les champs de Sébikotane, un nouveau récit de l’avenir s’écrit au rythme de l’expansion néolibérale de la ville, avec la construction d’un nouveau quartier d’affaires comportant un vaste chantier de business school actuellement en suspens. Le territoire incarne à la fois contraste et continuité entre ces ruines d’utopies et la bétonisation des terres au nom de l’actuelle politique “d’émergence”. L’Ecole des Mutants revisite et amplifie de manière critique et artistique ces expériences académiques postcoloniales, témoins du rôle peu abordé de l'éducation dans les mouvements panafricaniste et tiers-mondiste. Ce réexamen du futurisme africain s’appuie sur des enquêtes, travaux de terrain, assemblées publiques, recherche d'archives, écriture, création vidéo et installations multimédia qui spéculent sur des futurs alternatifs. Ce travail de création collective fait intervenir artistes, artisans, théoriciens et curateurs. L’Ecole des Mutants a été exposée à travers diverses biennales et centres d'art dans le monde.

Hamedine Kane et Stéphane Verlet-Bottéro mènent depuis 2018 enquêtes de terrain et recherches d’archives sur l’histoire de ces projets qui cristallisèrent grandes promesses politiques, solidarités tiers-mondistes et désenchantements postcoloniaux. A partir de ces matériaux, ils ont imaginé une Charte des Mutants, exposée en wolof, mandarin, français et anglais, qui interroge avec ironie et poésie l’héritage de ces multiples futurismes panafricains. Leur installation vidéo met en scène, à une époque fictionnelle et incertaine, un entretien radiophonique dans lequel une habitante “mutante” décrit l’état de ruine comme seul capable de briser le cycle des désillusions politiques. Le spectre brutaliste de l’Université du Futur inachevé y dialogue avec un archipel de lieux marqués par l’effondrement de l’expansion capitaliste, chantiers électoralistes à l’abandon et autres périphéries urbaines réinvesties à l’ombre de l’impérialisme. Au milieu des champs de Diamniadio, la construction d’un nouveau quartier d’affaires et d’écoles de commerce esquisse un récit néolibéral du futur, au rythme du programme d’investissement “Sénégal émergent’’.