Le projet Vocabolario di quartiere (vocabulaire de quartier) s'inscrit dans le cadre d'une expérimentation en cours du Politecnico di Milan dans la ville de Milan, dans un laboratoire urbain intitulé "Off Campus Nolo" (http://www.polisocial.polimi.it/it/off-campus/) coordonné par le Polimi Desis Lab basé dans le marché couvert du quartier de Nolo (Milan). Cette initiative a été prise pour rendre plus tangible la présence de l'université dans la ville et lui donner la possibilité d'être plus ouverte et proche du territoire et de sa communauté.
Le vocabulaire est un projet en cours dans lequel les chercheurs du Polimi Desis Lab (Virginia Tassinari, Davide Fassi, Francesco Vergani, Ambra Borin) et les étudiants (Elisa Scrignar e Maria Maramotti) explorent actuellement les moyens de générer des conversations autour de concepts clés et de mots-clés considérés comme essentiels pour le quartier par ses habitants. En outre, le choix des mots-clés permet d'aborder différents points de vue (humains, mais aussi non humains). L'idée est que le vocabulaire devienne un espace agonistique dans lequel désarticuler et réarticuler les points de vue, éclairer des similarités inattendues et révéler des divergences possibles, afin de développer un discours culturel sur le quartier par le quartier. Une attention particulière est accordée au potentiel du vocabulaire pour inclure des voix (ontologiquement) différentes, en les faisant dialoguer les unes avec les autres. Cela crée l'opportunité d'identifier les sujets de préoccupation communs qui pourraient les relier et les nouvelles voies d'action transformatrice pour le quartier qui pourraient les aborder (envisagées et rendues aux citoyens comme des graines pour d'éventuelles interventions de design dans la ville).
Ces diverses voix, incluses dans les différentes versions du vocabulaire physique et numérique, sont recueillies au cours d'ateliers dans lesquels les chercheurs utilisent des cartes de vocabulaire et des sessions de co-design, des interventions dans le quartier, des entretiens individuels (en ligne et hors ligne) avec des habitants mais aussi des scientifiques, des linguistes, des philosophes, des écrivains, des artistes, qui les aident à identifier différentes nuances et points de vue sur le même mot. Si les points de vue non humains sur ces mots sont fournis par des scientifiques (botanistes, zoologistes, géologues, microbiologistes, etc.), les chercheurs en design veulent s'assurer que les points de vue humains les plus divers sont également pris en compte, et ils accordent donc une attention particulière aux communautés marginalisées. En rassemblant toutes ces voix, ils ont l'intention d'identifier l'interdépendance radicale qui relie les divers agents qui peuplent la ville contemporaine, en redéfinissant le lien entre l'environnement et la société : au niveau du quartier, en se concentrant particulièrement sur ce qui nécessite des soins dans le quartier, ce dont il faut se soucier et ce que les citoyens doivent faire pour s'en soucier réellement. Étant donné que les transformations ne peuvent se produire qu'à partir d'une compréhension profonde de son propre contexte, le vocabulaire fonctionne de manière contextuelle et relie les connaissances contextuelles développées à Nolo à une vue d'ensemble, à d'autres contextes, afin de permettre une fertilisation croisée des idées et de stimuler l'apprentissage mutuel.
Le vocabulaire - à la fois un artefact numérique et physique qui a de nombreuses versions au fil du temps, en fonction des diverses voix recueillies et qui peut être diffusé dans le quartier sous différentes formes - est également le protagoniste d'un podcast In poche parole, une émission de radio diffusée mensuellement depuis le studio d'enregistrement de Radio Nolo hébergé dans les espaces hors campus et développé en collaboration avec eux ( https://radionolo.it). Le vocabulaire y est mis en scène, ce qui permet de confronter les différents points de vue, d'articuler une réflexion et d'inciter les citoyens à poursuivre la conversation sur les plateformes de médias sociaux.
Chaque mois, un mot spécifique est choisi comme fil rouge pour provoquer une nouvelle réflexion sur ce qui pourrait se passer dans le quartier en rapport avec cette notion spécifique. Chaque mois, Off Campus organise des sessions de co-design dans son espace avec des passants et des groupes de discussion spécifiques, et présente les diverses idées émergeant de ces rencontres, des conversations et des activités sur les médias sociaux. De cette manière, le marché devient une agora physique, dans laquelle des conversations peuvent avoir lieu, des réflexions sur les mots peuvent être partagées, et de nouvelles pistes d'actions peuvent être conçues, prototypées, et commencer une nouvelle vie.
Références:
Hanna Arendt, The Human Condition, Chicago: University of Chicago Press, 1958.
María Puig de la Bellacasa, Matters of Care, Minneapolis: University of Minnesota Press, 2017.
Arturo Escobar, Designs for the Pluriverse, Durham: Duke Press, 2018.
Donna Haraway, Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective, in “Feminist Studies”, Vol. 14, No. 3 (Autumn, 1988), pp. 575-599.
Bruno Latour, Down to Earth, Cambridge: Polity Press, 2018.
Bruno Latour, Facing Gaia, Cambridge: Polity Press, 2017.